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LE BÉTAIL - LA TERRE - LES RÉCOLTES

Les métiers relatés ci-après sont accomplis par la majeure partie des villageois. En effet, qui dit travail de la terre ou agriculture dit forcément bétail. C'est pourquoi les éleveurs étaient nombreux et importants au village. Ils élevaient des moutons, indispensables aux habitants, car ils fournissaient le lait avec lequel on faisait du fromage, du beurre mais surtout de la laine, essentielle à la confection de vêtements. Il y avait d'autres élevages : celui des poules, des bœufs pour les travaux des champs, mais aussi des chiens, indispensables pour les bergers et le troupeau, des chats pour la protection contre les souris et enfin, les chevaux qui étaient le seul et unique moyen de transport des villageois.

Tous les hommes du village étaient des bergers (Chivanné). Leur travail était différent selon les saisons. En effet, l'année était divisée en deux parties. Ainsi, de décembre à mars, les bergers travaillaient en groupes. Tous les matins, vers sept heures, ils rassemblaient le troupeau et se préparaient à partir pour la journée. Ils avaient environ une heure de route avant d'arriver dans les pâturages qui se trouvaient au pied de la montagne et où les herbes étaient plus abondantes et surtout moins recouvertes de neige ou de verglas. Là se déroulait leur journée jusqu'au retour vers dix-huit heures. Mais à l'approche de l'été, cette herbe précieuse devenait rêche et cassante. Il était alors temps de monter chercher dans la montagne fraîcheur et repos. C'est la période de transhumance.

La période de transhumance (Zozané), de juin à fin août, était trop chaude pour rester et garder le troupeau en plaine. Alors, tout le village (sauf quelques personnes pour surveiller ce dernier) s'installait dans les hautes montagnes pour trouver l'air pur, la fraîcheur et surtout pour nourrir le bétail. Pendant cette période, les agriculteurs, ayant confié leur troupeau aux bergers, donc libérés, pouvaient aisément rentrer les foins. Cette fois-ci, c'est par groupes de quatre à cinq que les bergers rassemblaient environ cent à deux cents têtes de bétail qu'ils emmenaient en altitude. Chaque villageois participait à tour de rôle, à la surveillance du troupeau en fonction du nombre de têtes d'ovins qu'il possédait. Durant leur séjour, les bergers dormaient à la belle étoile dans des houppelandes (Kappané). Deux fois par jour, les femmes les rejoignaient pour leur apporter leurs repas et traire le troupeau.

Dans cette activité, il reste un personnage clé : le chien. En effet, celui-ci était indispensable et nécessaire pour protéger tant les bergers que le bétail contre les loups ou tout autre danger. En hiver, les chiens constituaient un élément de protection et de sécurité du village.

LE BERGER
Au-delà des terres détériorées,
L'oxygène, la verdure menacés,
Existe un être formidable,
Naïf mais responsable.

Son domaine est la montagne,
Auprès de la belle campagne,
Son métier est ancestral,
Débute après la fin hivernale.
Dès l'aube, le soleil veille,
Sur une nature en éveil,
Magnifique en tous ses états,
Séduisant et attachant est son éclat.

Le berger, d'une houppelande vêtu,
Mène ses brebis et moutons paître,
La douce herbe et les hêtres,
De beaux instants, il aura vécu:

Écouter les cascades, les oiseaux chanter,
Respirer le parfum des plantes et l'air pur,
Se sentir à l'aise en toute tranquillité,
Admirer l'étendue au fur et à mesure.

La lumière chaude se raréfie,
La clarté astrale envahit le pays,
Éclaire les pattes et les pas en avant,
Scintillent les étoiles au firmament.

Le troupeau arrive à son enclos,
L'homme va à sa cabane et bientôt,
Un feu ardent chauffe, brûle lentement.
L'être humain se couche paisiblement.

Concernant le bétail, les femmes avaient aussi leur rôle à jouer. Effectivement, elles trayaient les brebis et transformaient le lait en différents produits. Outre le yaourt (Masta) bien sûr, durant les trois mois de transhumance, le lait était utilisé pour la fabrication du fromage (Guipta). Mais comment fabriquait-on le fromage ? On versait le lait dans une marmite immense pouvant contenir entre vingt et quatre-vingts litres. On chauffait le lait, on y ajoutait de la présure (Reta') fabriquée par les villageoises, avec des écorces d'arbres et des organes d'agneau. Ensuite, on laissait le tout reposer environ une heure, puis on procédait à la mise en solidification (draya il kissa), qui consistait à mettre la substance obtenue dans des sacs filtrants afin de retirer le liquide restant. Finalement, une fois solidifié, le futur fromage était coupé en morceaux, salé et mélangé avec des herbes (ciboulette), avant d'être enfermé dans des vases (Talmé), qui étaient eux-mêmes mis sous terre. Cela permettait au fromage de renforcer sa saveur et son goût : une action comparable à la mise en cave du vin.

D'août à octobre, le lait servait à faire du beurre. Les femmes faisaient bouillir le lait et y rajoutaient du yaourt (environ deux cuillerées pour vingt litres). Ensuite, elles le mélangeaient et le laissaient reposer durant toute la nuit. Le lendemain matin, elles versaient le tout dans le "Machka" (une peau de mouton imperméable, percée d'un seul trou et utilisée comme sac). Une fois celui-ci attaché à une branche d'arbre par des fils, elles procédaient à un mouvement de va-et-vient pendant une demi-heure, puis le contenu était versé dans une marmite. Là, le yaourt se tassait au fond tandis que le beurre montait à la surface.

Mais il n'y avait pas que des éleveurs et des bergers ; on ne se nourrissait pas que de bétail. Il y avait au village des vignes et donc des viticulteurs. Les vignes étaient taillées une fois par an et la terre était retournée à leurs pieds pour les maintenir en bonne santé.

Outre la consommation du fruit lui-même, le raisin servait à faire du moût de raisin (Rouba). Après les vendanges, en septembre et octobre, les grappes étaient renversées dans une cuve que les villageois avaient eux-mêmes fabriquée. Ensuite, une personne écrasait le raisin avec les pieds. Le jus coulait par une ouverture dans une marmite placée plus bas et pouvant contenir jusqu'à cinquante litres. Dès que celle-ci était remplie, elle était mise sur le feu. Une fois bouilli, le jus était mis de côté pour refroidir, puis déversé dans des bidons, obtenant ainsi de la "Rouba".

La moisson constituait également une des activités importantes des habitants d'Ischy. En janvier et février, à l'aide d'une charrue tirée par deux bœufs, les champs étaient labourés. Quant à l'irrigation, elle se faisait grâce à un ruisseau qui provenait des sources de la montagne et fournissait également l'eau potable du village. En effet, chaque agriculteur creusait le ruisseau, à tour de rôle, au niveau de son champ, permettant ainsi aux champs de s'approvisionner en eau. Une fois l'irrigation terminée, chacun refermait la partie creusée du ruisseau. Ensuite, on semait les graines et on attendait le printemps pour désherber. À la fin de l'été, on coupait le blé, on le piétinait et enfin on séparait les graines du foin, qui allait servir de nourriture au bétail durant l'hiver. Les graines nettoyées et séchées au soleil étaient stockées en petite quantité pour les semences de l'année suivante, tandis que l'essentiel de la récolte était transporté au moulin pour obtenir de la farine.

Il existait au village trois moulins à eau, dirigés par les villageois eux-mêmes, qui convertissaient en farine les différents grains propres à la fabrication du pain. Ils étaient composés de deux meules de pierre tournant l'une sur l'autre. Le meunier, aidé par le villageois qui apportait sa récolte, versait les grains dans la machine. Arrivant au centre, ceux-ci étaient broyés et la mouture obtenue était recueillie à la périphérie. Ainsi obtenait-on la farine qui servait à fabriquer le pain et les galettes.

Les habitants du village faisaient aussi la cueillette de fruits et légumes, puisque tous possédaient des potagers et des vergers. Tout le monde sait comment se passent les cueillettes en général, mais il semble intéressant de découvrir le déroulement d'une séance de cueillette de noix (Deheryata). Un homme grimpait sur le noyer et, à l'aide d'un bâton de deux mètres de long, tapait contre les branches. De cette manière, les noix tombaient par terre, où les femmes et les enfants attendaient pour les ramasser. Une partie de la cueillette était vendue et l'autre gardée pour être consommée.

Les villageois consommaient une grande partie de leur récolte. Cependant, ils ne produisaient pas tout, par manque de techniques et de surfaces. Alors, certaines personnes s'étaient spécialisées dans la vente de ce qui n'était pas produit dans le village. Ces marchands allaient régulièrement en ville pour acheter des provisions, tant des aliments que des vêtements, qu'ils revendaient ou troquaient dans leurs boutiques, au nombre de trois en 1980.